La tribune
Par Monique Sassier, Présidente de la fondation AUTONOMIADéconnexion et parentalité
Quand on parle d’autonomie, il ne s’agit pas seulement de penser à sa perte, due à la vieillesse par exemple. Des travaux conduits par la Fondation Autonomia, il ressort que l’autonomie se gagne, s’apprend, se construit, et ce dès le plus jeune âge possible. Les liens que nous entretenons avec les écrans en sont un bon exemple.
« Défi déconnexion » est un projet mis en œuvre à Marseille par l’Union des Centres Sociaux des Bouches du Rhône pour les enfants de 16 classes d’écoles primaires ainsi que de classes de 6éme, première année de collège. Son objectif est de sensibiliser parents, enfants et enseignants aux effets de la surexposition des enfants aux écrans, et plus encore d’attirer l’attention des enfants vers l’acquisition d’une maîtrise de leur temps passé devant les écrans.
La Fondation Autonomia a choisi de soutenir cette action, dont un bilan complet sera prêt et disponible sur notre site dans quelques semaines, parce que, au-delà de l’expérimentation conduite, ce travail appelle à une réflexion profonde sur le rôle et la place des familles, en particulier des parents, sur l’isolement des enfants et adolescents, ainsi que sur une certaine conception du temps.
Durant les trois ou quatre dernières décennies, la famille a fait face à des évolutions majeures, essentielles. Et nous sommes fondés à nous interroger sur ce qu’il en est de l’autorité familiale, de « la liberté familiale », de ses limites, des effets produits par une certaine confusion des âges. Au fond, quelle place reconnaissons-nous, devons-nous ou voulons-nous reconnaitre, à la famille dans notre société d’aujourd’hui ? Par exemple, qui décide de la conduite d’un enfant, alors qu’enseignants et éducateurs sont aussi des décideurs auprès des enfants ? Cette réflexion sur l’organisation de cette nébuleuse du « privé et du public » est décisive pour penser le rôle des écrans dans la vie des enfants.
Il faut prendre en compte une conception du temps social, familial, scolaire. Le temps est « pressé », morcelé, bouleversé, au point sans doute de le relativiser dans ses trois dimensions, passé, présent, futur. Comment aider enfants et adolescents à faire face à ces temps qui s’entremêlent ? Le sujet serait de se demander comment aider les jeunes, dès l’enfance, à s’approprier leur temps ? On notera qu’il existe une manière évidente pour les jeunes de s’approprier leur temps qui est de s’investir dans l’immédiat. Quel rôle joue la dépendance ou le recours aux écrans dans cette précipitation des temps ?
Nous nous interrogerons aussi sur la manière de briser l’isolement des enfants et des adolescents, de réfréner la tentation de repli voire d’enfermement dans une seule sphère privée, et ainsi se demander : est-ce bien à la famille d’abord d’y veiller ?
L’observation de l’expérimentation conduite à Marseille montre bien l’importance d’un lieu d’accueil comme moyen de réflexion, de parole pour les enfants et leurs familles, et l’utilité du développement d’un tissu associatif pour tous qui s’adresse à tous les acteurs de la vie quotidienne pour élaborer des réponses partagées.
Ces questions sont à la racine de notre recherche pour privilégier l’autonomie des enfants dès leur plus jeune âge. Une utilisation raisonnée des écrans consiste à prendre en compte des modes de relation aujourd’hui présents dans la société.
La place donnée aux écrans vaut pour tous. Être autonome est à portée de main pour peu qu’adultes et enfants prennent ensemble le chemin de la réflexion et non l’impasse du seul interdit.