La tribune
Par Monique Sassier, Président d'honneur de la fondation AUTONOMIARentrée scolaire 2024 pour les enfants en situation de handicap, l’engagement de tous, y compris des enfants au cœur des priorités
Monique Sassier Fondatrice et Présidente d’honneur de la Fondation AUTONOMIA, nous partage un éclairage sur sa perception de la situation actuelle de l’inclusion des enfants en situation de handicap à l’école. Entre avancées opérées et progrès nécessaires à venir.
« J’ai souhaité développer dans cette prise de parole que m’accorde la Fondation AUTONOMIA, une idée majeure au cœur des nombreux dispositifs existants, car les évoquer tous ici serait bien trop long. »
Tout d’abord, il est nécessaire de souligner que l’engagement de l’école dans l’accueil des enfants en situation de handicap est constant bien que récent. Sur l’année scolaire 2021-2022, 212 400 élèves en situation de handicap étaient scolarisés dans les établissements du premier degré et 197 000 l’étaient dans les établissements du second degré (source Dress-solidarite-sante.gouv).
En 2023/ 2024, l’Éducation Nationale compte plus de 470.000 enfants en situation de handicap scolarisés. L’école depuis toujours, et ce, dès le début de l’inclusion des enfants en situation de handicap est accueillante et met en place de façon concrète le droit à l’école souligné dans les textes de loi. En effet, l’existence du droit à l’école pour les enfants porteurs d’un handicap, existe bel et bien, la vraie question est comment l’appliquer, et comment faire mieux et encore plus.
Inclusion scolaire des enfants en situation de handicap, deux méthodes possibles qui cohabitent.
L’école a choisi 2 méthodes qui fonctionnent en parallèle. La première consiste en la scolarisation des enfants en situation de handicap dans les écoles, au cœur de classes dites classiques et habituelles, ce qui est envisageable pour un certain nombre d’élèves.
Pour les élèves en situation de handicap pour qui cela n’est pas possible, le recours à des dispositifs que l’Éducation nationale a créé avec d’autres partenaires, santé notamment, nommés les ULIS (Unité Localisée pour l’inclusion scolaire) est proposé.
Si l’école a fait sienne la volonté pédagogique d’intervenir auprès des enfants en situation de handicap, dans les faits il n’est pas si facile d’inclure un élève en situation de handicap dans une classe. Et ce, en écho avec un double problème identifié.
1. La formation des éducateurs à l’accueil d’un enfant en situation de handicap n’est pas assez fréquente et spécifique. La présence d’enfants en situation de handicap dans des classes modifie en effet tout le fonctionnement d’une classe, il est nécessaire de se former pour cela.
2. Qui décide de ce dont a besoin l’enfant en situation de handicap ? Il serait nécessaire de fournir désormais un effort additionnel pour déterminer les besoins réels pédagogiques d’un enfant. Comment ? En rassemblant un représentant de l’Éducation nationale bien entendu, un professionnel du monde social – qui connaît la famille et l’enfant en s’assurant de la présence de la famille le plus et le mieux possible, et aussi avec l’appui du monde médical. Un certain nombre de handicaps appellent en effet des réactions pédagogiques de santé.
Un bilan complet et ciblé en amont de la scolarisation.
Un bilan complet est donc nécessaire en amont, et force est de constater que trop d’enfants en situation de handicap sont accueillis à l’école sans que ce bilan soit partagé. Ceci est assurément préjudiciable au droit à l’école.
Le travail métier par métier : santé d’un côté, Éducation nationale ou encore vie quotidienne de l’autre, n’est pas une bonne réponse à la difficulté globale que rencontre un enfant et sa famille. La famille doit être intégrée évidemment dans ce travail de bilan et d’adaptation. On ne doit pas envoyer un enfant dans une classe ULIS, sans avoir fait au préalable un bilan très complet. Ce qui n’est pas le cas partout aujourd’hui.
Selon vous quels progrès ont été faits et que reste-t-il encore à faire ?
Se former pour une inclusion plus adaptée des enfants en situation de handicap à l’école.
Les progrès qui ont été faits consistent à accueillir assez systématiquement des enfants en situation de handicap dans les classes, que les professionnels aient été suffisamment formés ou pas.
Ce qu’il reste à faire, c’est d’aider les enseignants à avoir dans leurs classes des enfants en situation de handicap qui puissent apprendre car les enfants sont là pour apprendre.
Cela reste un exercice difficile. Dans la formation des médecins, par exemple, peu de temps est consacré à l’accueil des enfants en situation de handicap dans les structures. Ces métiers-là ne s’inventent pas, il faut incontestablement y être formé. Un effort de formation assez substantiel pour les médecins est donc nécessaire. Cela dit en miroir, la mauvaise équation est que l’on manque de médecins scolaires sur le territoire, tout comme d’accompagnants (AESH) pour la vie quotidienne des enfants en situation de handicap. Il est pourtant nécessaire que ces personnels soient formés.
Ces métiers d’accueil des enfants en situation de handicap, d’accueil de l’enfance en danger, d’accueil des enfants dans toutes les formes de difficultés qu’ils peuvent rencontrer, sont de plus très peu valorisés. Ce sont pourtant, les plus beaux métiers du monde, que ceux du respect des droits humains, ceux de la prise en charge de chacun pour une société de vivre ensemble… Mais les faits ne traduisent pas toujours cela. Ce qu’il reste à faire c’est donc aussi traduire ces faits dans la vie quotidienne.
Travailler en réseau et non plus en silos
Une montée en compétences – via la formation -, des accompagnants (qui ont pour mission de favoriser l’autonomie de l’élève en situation de handicap, et qui interviennent au titre de l’aide humaine individuelle, de l’aide humaine mutualisée ou de l’accompagnement collectif), des enseignants, de tous ceux qui œuvrent autour de l’enfant en situation de handicap, est à optimiser pour les aider à s’adapter à chaque handicap, et aider l’école à s’adapter.
Pour accentuer ou accélérer leurs formations, il faut donc aussi accélérer la capacité du monde enseignant à accueillir ces enfants, ce qui n’est jamais facile pour eux. Les médecins sont trop peu présents, on en manque partout.
Or, de temps en temps, ils auraient besoin de diagnostics pour que, du point de vue de la santé de l’enfant, un médecin puisse indiquer ce qui est bon pour lui, ce qui est possible pour lui ou pas. Alors qu’on sait d’expérience que d’arrêter de travailler en silos, de manière séparée, avec d’un côté le monde de la santé, de l’autre le monde de l’accompagnement ou de l’éducation hors-scolaire et de vie quotidienne, est un sujet déterminant pour l’avenir.
Mieux préparer les futurs adultes en situation de handicap à trouver un emploi demain
Il y a un problème de fond qui est pour autant déjà travaillé depuis de nombreuses années, puisque tous les ministères, dont l’Éducation nationale, disposent de directions ou de services qui sont en charge de la scolarisation des enfants en situation de handicap.
Mais, le nombre de ces enfants augmente en France. Il faut donc se préparer à accueillir plus d’enfants en situation de handicap et à mieux les accueillir. Ils doivent pouvoir sortir de l’école, de l’enseignement avec un diplôme.
On développe une politique d’emploi des personnes en situation de handicap quand ils sont adultes, mais pour pouvoir réaliser cet objectif d’accès à l’emploi, encore faut-il avoir pu réaliser et réussir l’accueil des enfants à l’école en favorisant leur capacité d’apprendre.
L’ambition est qu’ils puissent apprendre et non uniquement être en présence, qu’ils puissent discerner ce qui leur convient, de ce qui ne leur convient pas. Quand le baccalauréat aura été passé, pourront-ils rejoindre l’université ? Pourront-ils se tourner vers l’apprentissage ? S’occuper des élèves en situation de handicap dès le plus jeune âge, c’est accompagner des adultes qui pourront trouver un emploi demain.
Pour conclure ?
Je tiens à saluer l’investissement de l’Éducation Nationale depuis des années et des années dans l’accueil des enfants handicapés, parfois d’ailleurs à l’encontre de ce que souhaitent ou que se sentent obligés de faire les parents. La première chose est en effet d’encourager les familles et les enfants handicapés, à réaliser un parcours scolaire.
Pour se faire, il faut qu’il y ait ce travail de formation qui permettrait de répondre à des interrogations récurrentes : comment fait-on avec une classe dans laquelle il y a 2 enfants handicapés ? Comment régule-t-on le nombre d’enfants handicapés par classe ? Comment applique-t-on éventuellement des mesures de vie ensemble, d’apprentissage
Et cela peut être le rôle justement de la Fondation AUTONOMIA, que de contribuer à ce que l’éducation puisse être accessible pour tous.