La tribune

L’éducation, levier d’une société plus inclusive, 20 ans après la loi handicap, constats et avancées !

Au lendemain de la rentrée scolaire et 20 ans après la loi handicap 2005, qu’en est-il réellement pour les enfants en situation de handicap ?

L’éducation pour tous, l’accès pour eux comme pour tous les enfants au savoir, aux savoir-faire, à des filières professionnelles ouvrant à une diversité de métiers… une réalité ? Ou plutôt une réalité qui peine encore à s’imposer au cœur d’une société qui se veut pour autant moins cloisonnée, plus ouverte, plus inclusive ?

De nombreux défis sont à relever, des lacunes persistent notamment dans l’accompagnement, la formation des enseignants, des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), dans l’accès à des outils et à du matériel adapté.

Les faits sont là : si des avancées significatives et de grandes étapes ont été franchies et sont à honorer, – des changements qui ont contribué et participent encore à changer les regards, à ouvrir les consciences et le champ des possibles grâce à une éducation plus accessible et pilier majeur de l’autonomie, de la liberté d’être et de choix-, … Le chemin vers une société vraiment inclusive semble encore long et les défis à relever encore nombreux.

École et handicap ? Dans ce focus sur fond de rentrée scolaire et 20 ans après cette réforme majeure, la Fondation AUTONOMIA vous propose de revenir sur quelques constats et évolutions notables qui œuvrent malgré, tout pas à pas, à une société plus inclusive, où l’éducation en milieu ordinaire est et reste un droit universel.

De l’intégration à l’inclusion scolaire, la scolarisation dans une école ordinaire, un droit fondamental pour tous !

Il y a 20 ans, la loi handicap du 11 février 2005 le pose en clarté : « Chaque enfant en situation de handicap se voit reconnaître le droit d’être scolarisé dans une école ordinaire, dans l’école dont relève son domicile ». Notons que les lois du 8 juillet 2013, ainsi que celle du 26 juillet 2019 (pour une école de la confiance), viennent consolider ce droit précisé par la loi handicap. « Rappelez-vous, lors du débat présidentiel de 2007, l’idée que des enfants en situation de handicap puissent aller à l’école était encore un enjeu. Aujourd’hui, 20 ans après la loi de 2005, la scolarisation en milieu ordinaire des enfants en situation de handicap est une évidence pour tous.

C’est une extraordinaire avancée, qui a contribué à changer l’inconscient collectif et a posé la première strate tangible d’une société moins cloisonnée, d’une éducation plus accessible à tous », précise Stéphane Gaillard, directeur de l’INJA (Institut National des Jeunes Aveugles), qui nous d’ailleurs partagé il y a quelques jours sur la page LinkedIn de la Fondation AUTONOMIA son regard sur le sujet.

L’école pour tous : si des lacunes persistent, des chiffres intéressants pointent des avancées notables

– Le nombre d’enfants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a triplé depuis 2006 : sur l’année scolaire 2021-2022, plus de 409 000 (avec 212 400 dans les établissements du premier degré, 197 000 dans les établissements du second degré) ; 470 000 à la rentrée 2023/2024 ; plus de 490 000 en 2025. Alors qu’ils étaient 130 000 en 2005(2).
– 132 000 accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) aujourd’hui, contre 41 000 il y a une décennie (1).
– Sur le plan financier, le budget de l’école inclusive a plus que doublé depuis 2017, passant de 2,1 à 4,6 milliards d’euros en 2025 (création de dispositifs Ulis).
– Une optimisation du temps de formation à l’inclusion scolaire pour les enseignants avec un volet consacré à l’inclusion scolaire (le module de 25 h au sein de leur formation initiale pourrait passer à 50 h à la rentrée 2025) (1).

« L’engagement de l’école pour l’accueil des enfants en situation de handicap est constant, bien que récent. L’inclusion des enfants en situation de handicap est accueillante et met en place de façon concrète le droit à l’école souligné dans les textes de loi.

En effet, l’existence du droit à l’école pour les enfants porteurs d’un handicap existe bel et bien, la vraie question est comment l’appliquer, et comment faire mieux et encore plus, souligne Monique Sassier (ancienne présidente de la Fondation AUTONOMIA), dans sa tribune du 3 septembre 2024.

– Création des PIA : les Projets Individuels d’Autonomie. Un document élaboré (par les professeurs, l’AESH-accompagnante d’élèves en situation de handicap, la famille) chaque année, pour chaque enfant en situation de handicap, qu’il soit en milieu ordinaire ou pas. Il pose en clarté tout ce qui doit être fait pour l’enfant dans l’année, tel un guide pour l’équipe pédagogique autour de l’enfant. « Avant, l’AESH réalisait un bilan annuel et l’équipe enseignante posait les objectifs de l’année de l’enfant, mais depuis 2005 c’est inscrit dans la loi et c’est vraiment essentiel », souligne Stéphane Gaillard.

Sur le terrain, certains professeurs conscients des avancées, apportent cependant quelques nuances à ces chiffres encourageants. Ainsi pour Nirina Simon, professeure des écoles en Dispositif ITEP ( Institut Thérapeutique Educatif et Pédagogique) : « Les chiffres sont encourageants et positifs, mais dans la réalité, il s’avère que de nombreux enfants ne bénéficient pas encore de la scolarité à laquelle ils ont le droit et dont ils auraient besoin par faute de moyens, notamment par le manque d’AESH ou de places dans des structures adaptées à leurs besoins.

De nombreux parents se retrouvent contraints de garder leurs enfants à domicile une partie de la semaine car ils ne peuvent pas être accueillis à l’école. Ces chiffres représentent le nombre d’élèves inscrits dans un établissement, mais pour certains il s’agit d’un accueil très restreint (à peine quelques heures par semaine sur des activités bien spécifiques) ou pour d’autres de l’impossibilité d’être accueillis pendant le temps méridien, par exemple. »

Les AESH, soutien précieux à l’inclusion scolaire, souffrent encore de certains écueils dans la pratique de leurs missions

Si la création en 2012 des AESH est un évident pas en avant pour faciliter l’inclusion des enfants en situation de handicap en écoles ordinaires, une cheffe d’établissement apporte néanmoins un constat nuancé : « On observe une pénurie d’AESH pour répondre aux besoins des élèves en situation de handicap. Cette pénurie constitue un élément d’inquiétude pour les familles et de complexification majeure pour les établissements, notamment pour répondre aux besoins des enfants et pour la constitution des emplois du temps »

Par ailleurs, les délais de traitement des demandes de scolarisation des enfants en situation de handicap sont complexes et si chaque étape d’instruction des demandes est essentielle les délais sont encore souvent trop longs.

En ajoutant également « Si l’AESH est bien acceptée par les enfants à l’école primaire la situation peut se complexifier avec l’entrée au collège. Certains enfants ont du mal à gérer le regard des autres et l’avancée en âge complexifie cet accompagnement notamment au collège ». Et dans ces cas précis, en l’absence d’AESH, ce sont les enseignants qui sont sollicités pour apporter la différenciation pédagogique nécessaire, très complexe pour des classes avec des effectifs importants.

Si les enseignants sont désormais habitués à l’accueil des enfants en situation de handicap au sein de leurs classes il s’avère qu’un accompagnement plus approfondi leur serait très utile car ils sont en première ligne pour accueillir et accompagner les enfants.

La question de l’évaluation des élèves est également un sujet important et complexe que relève la chef d’établissement : comment évaluer au plus juste le niveau scolaire des élèves en situation de handicap pour les enseignants ? Certains enseignants révèlent des difficultés à évaluer le travail des élèves de façon objective ce qui peut mener à des écarts de niveau notamment au moment des examens comme le baccalauréat ou lors du passage vers les études supérieures

Mais de conclure sur une note plus optimiste « Depuis 20 ans, on observe que l’intégration des AESH par les autres élèves dans les classes fait des progrès. L’inclusion régulière contribue au changement progressif des regards sur le handicap. Les élèves sont habitués. La différence liée au handicap s accueille de mieux en mieux. »

En matière d’accueil et d’accompagnement des élèves en situation de handicap, d’autres avancées sont réelles

William Marois, ancien recteur d’Académies (Nancy-Metz, Rennes, Montpellier, Bordeaux, Créteil et Nantes) nous partage en effet son regard sur 3 avancées significatives à souligner :

– « Jusqu’aux années 2010, les jeunes en situation de handicap étaient accompagnés par des personnes en « contrat aidé » très précaires, le nombre de ces contrats étant lui-même très fluctuant en fonction de la politique nationale de l’emploi. En 2012 sont créés les AESH et, même s’il reste encore des avancées à faire en matière de formation et de statut, ceci représente une avancée majeure. »

– « Au début des années 2020 est mis en place, dans chaque inspection académique, le service départemental de l’école inclusive qui permet aux familles d’être mieux informées et mieux accompagnées. »
– « Les structures d’accueil dans les écoles et les établissements se sont multipliées avec, dans chaque département, un réseau dense d’ULIS dans les écoles et les collèges, la création d’ULIS en lycée professionnel et d’unités destinées aux jeunes autistes en classe maternelle ».

Selon les situations, des leviers émergent pour l’accès plus autonome à l’éducation et à la scolarité pour les enfants en situation de handicap

Si la scolarisation des enfants en situation de handicap dans les écoles en milieu ordinaire est depuis quelques années davantage une réalité pour bon nombre d’entre eux, pour certains et selon leurs situations, leurs handicaps, l’Éducation nationale a créé (avec d’autres partenaires, santé…) des unités localisées pour l’inclusion scolaire (dispositif ULIS) : « Un dispositif qui offre aux élèves qui en bénéficient une organisation pédagogique adaptée à leurs besoins, des enseignements adaptés dans le cadre de regroupements et permet la mise en œuvre de leurs projets personnalisés de scolarisation. Elles sont parties intégrantes de l’établissement scolaire dans lequel elles sont implantées » (3).

Selon Stéphane Gaillard (directeur de l’INJA), « C’est aussi à nous, les institutions publiques, de créer les possibles pour que les enfants en situation de handicap changent leurs états d’esprit et prennent conscience que tout leur est possible. Nous avons donc créé des classes en milieu ordinaire pour les préparer à l’inclusion individuelle. Nous avons ainsi à Paris une autorisation de 50 classes.

Ça peut ressembler aux ULIS, sauf qu’au lieu d’être sous la responsabilité de l’Éducation nationale, c’est sous la responsabilité du ministère des Affaires sociales, donc de nous – Des classes en milieu ordinaire avec sur place nos enseignants, nos éducateurs, pour préparer les enfants en situation de handicap à l’après : l’inclusion individuelle. L’objectif visé, à leur sortie de l’école primaire par exemple, est qu’ils puissent aller en inclusion individuelle au collège, et ainsi de suite.

Et demain ? Perspectives

La loi du 11 février 2005 a permis, nous l’avons évoqué, une variété d’avancées sur l’inclusion à l’école. Des défis restent à relever pour que les objectifs et ambitions visés initialement soient véritablement effectifs. Et ce, pour renforcer davantage l’accessibilité pour tous à l’école en milieu ordinaire, et pour mieux préparer encore les futurs adultes en situation de handicap à trouver un emploi demain. Un emploi non pas choisi par dépit ou par limites, mais par envie, en toute liberté et parce que l’enfant aura pu accéder à une formation lui permettant de monter en compétence.

Une véritable coopération Éducation nationale/médico-social est nécessaire selon Jean-Louis Garcia, président de L’APAJH. « C’est en apprenant les uns des autres que nous pourrons faire en sorte que l’École soit accueillante pour tous les élèves de la République. La question de moyens et d’innovation est cruciale pour, notamment, un diagnostic précoce des handicaps, et ainsi éviter les errances et les ruptures dans la scolarité de l’enfant », précise-t-il dans une tribune de l’ASL (Autonomie de solidarité laïque).

Par ailleurs, l’UNAPEI a révélé une enquête pointant des lacunes encore importantes en cette rentrée 2025 sur la scolarisation des enfants en situation de handicap.

Permettre aux enseignants d’avoir une formation au handicap et à l’accueil d’élèves en situation de handicap, non uniquement lors de leur formation initiale, mais tout au long de leur carrière. Optimiser la formation, la reconnaissance des AESH ainsi que l’amélioration de leurs conditions de travail et de leur rémunération, « voici l’un des enjeux clés de l’inclusion scolaire » précise Nirina Simon – professeure des écoles en Dispositif ITEP -.

Multiplier le matériel pédagogique adapté pour favoriser l’autonomie dans l’apprentissage (Un guide de recommandations concernant le matériel pédagogique adapté à destination des académies et des maisons départementales pour les personnes handicapées -MDPH-, inspiré d’expériences réussies et de pratiques de travail vertueuses, a été publié par le ministère de l’Éducation nationale et le CNSA – caisse nationale de solidarité pour l’autonomie – s’avère être un autre levier d’optimisation de cette inclusion.

Mieux accueillir les enfants scolarisés en situation de handicap rendre l’éducation encore plus accessible pour tous, partout, permettra à ces enfants d’apprendre, de s’ouvrir encore davantage à de nouvelles filières professionnelles, pour une vie plus autonome où la liberté de choix est possible pour chacun.

Sources et ressources additionnelles :


L’école inclusive – Matériel pédagogique adapté – Guide de bonnes pratiques
Edusol.education
(1)
Légifrance.gouv et Assemblée nationale
(2)
dress-solidarites-sante.gouv
(3)
Dispositif ULIS
Fondation Autonomia et le handicap

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