La tribune
5 années d’engagement au service de l’autonomie : Monique Sassier devient présidente d’honneur
Fondatrice et Présidente (sortante) de la Fondation AUTONOMIA, Monique Sassier revient sur 5 années d’engagement au service de l’autonomie
Pensée en 2019, statuts déposés en 2021, depuis 5 ans Monique Sassier Fondatrice et Présidente (sortante) de la Fondation AUTONOMIA – Fondation reconnue d’utilité publique et Fondation abritante – œuvre pour que l’autonomie devienne un véritable principe pour les entreprises, les familles, les acteurs du terrain (partenaires, associations…) et les publics concernés (personnes en situation de handicap, personnes âgées, personnes en prise avec une dépendance et addiction).
Alors qu’elle s’était fixée comme ambition de donner à la Fondation des statuts extrêmement solides aptes à résister à tout séisme et coup de vent, Monique Sassier a décidé de passer le flambeau de la Présidence, reconnaissante de ce défi accompli. Bilan de 5 années d’engagement pour la récemment nommée présidente d’honneur à la demande du conseil d’administration, et retour sur les enjeux de demain pour la Fondation AUTONOMIA.
Bilan de 5 années au service de l’autonomie pour tous et par tous
Madame Sassier, quel bilan des 5 années écoulées ?
Elles ont permis de créer les fondations de la Fondation Autonomia. De trouver son nom, d’en expliquer les raisons, de rédiger et de faire admettre par le Conseil d’État les statuts afin de lui donner un véritable enjeu de société… Comme c’est le cas dès lors qu’une fondation est reconnue d’utilité publique, et qui plus est, pour la nôtre, une fondation qui peut en abriter d’autres.
C’est ce périmètre large qui a permis de pouvoir annoncer que la Fondation AUTONOMIA est construite, qu’elle dispose de bases stables, et qu’elle a la capacité de développer son projet. Notre ambition est qu’elle devienne un acteur philanthropique dans le champ de l’autonomie au sens large pour les personnes handicapées, dépendantes, âgées, aux prises avec des comportements addictifs.
Durant ces 5 années j’ai tenu bon sur un large périmètre quant aux sujets que la Fondation AUTONOMIA a pu traiter, car la question de l’autonomie est sans fin. Nous avons fait le choix de ne pas travailler en fonction des publics, mais des sujets qu’ils proposent.
Par exemple, nous n’avons pas travaillé spécifiquement sur l’emploi des personnes handicapées mais sur l’emploi adapté à toutes sortes de situations. Nous avons associé à cette volonté, de ne pas travailler par publics, l’implication des personnes elles-mêmes. Cet élargissement du regard, a été identifié et apprécié par les partenaires avec lesquels nous avons travaillé.
J’en veux pour preuve des appels à projets pour lesquels nous avons parfois reçu pas moins de 300 réponses.
Ce regard de la société sur l’autonomie a modifié son contour. Ce travail a été assez long à réaliser, surtout pour que le conseil d’administration dans son entièreté s’en persuade. C’est devenu un élément majeur de construction de nos appels à projets.
Le dogme de la Fondation, c’est écouter les personnes, mais aussi les professionnels qui sont en charge de leur avenir, ainsi que les familles. Prendre conscience que beaucoup de situations peuvent être notamment des situations conflictuelles. Par exemple, dans le champ du handicap ou de la dépendance, au moment de l’entrée dans un établissement spécialisé, les conflits peuvent être levés, par un recours à la médiation familiale, qui est une des alliées de l’autonomie. Elle ne la remplace pas, mais vient résoudre les liens, les difficultés, les conflits, au moment d’un changement. C’est un élément de sécurité, d’autonomie.
Des difficultés et complexités rencontrées ?
La réflexion sur cette place des personnes dans leurs problématiques et la façon même de les résoudre par des liens divers et variés, n’a pas été une difficulté intellectuelle en tant que telle. En revanche, ça a été plus difficile dès lors que les administrateurs de la Fondation participaient au comité de pilotage des appels à projets. On observait en effet que c’était une démarche, ou une prise en compte d’un regard un peu différent, et qu’il fallait parfois insister, aider aussi, pour que ce regard structure la réflexion des porteurs de projets.
Changer les regards pour aborder l’autonomie dans tous ces prismes a effectivement demandé un temps de travail important. Aujourd’hui, cet objectif est atteint, non parce que je vous le dis, mais parce que les partenaires avec qui on travaille nous le disent.
Des valeurs construites et incarnées depuis 5 ans ?
J’en retiens 4 majeures :
L’humanisme : le principe de la Fondation AUTONOMIA est le respect et l’écoute des personnes, quoi qu’elles aient à dire.
L’indépendance : de la réflexion, des partenariats que la Fondation AUTONOMIA noue avec d’autres. C’est un élément majeur, c’est lui qui crée cette capacité à réfléchir et à inventer. Une liberté de penser, de proposer et d’agir.
La prise en compte de la parole : la certitude que l’on ne se trompe pas est solide dès lors que l’on prend véritablement en compte la parole des personnes et les expériences qu’elles ont conduites. Et ce, sans jugement, mais en regardant les effets. Une forme de pragmatisme. On a ajouté à ça l’implication de tous dont les aidants.
La capacité des aidants à vraiment épauler doit être étudiée et reconnue comme telle. Dans certaines situations les personnes handicapées ou dépendantes peuvent, elles aussi, aider d’autres personnes vulnérables.
La solidarité dans la prise en compte de l’implication de tous et de l’implication des aidants est essentielle pour les sujets que l’on va traiter dans les années qui viennent.
La prise en compte de l’expérience et l’impulsion de tous, ce n’est pas une valeur spécifique à un public, c’est une valeur racine de la fondation AUTONOMIA.
Les enjeux de demain pour la Fondation AUTONOMIA ?
Vous passez bientôt le flambeau, quels sont pour vous les enjeux à venir pour la Fondation AUTONOMIA ?
Le premier enjeu, conserver des valeurs et de ne pas se limiter à l’observation de l’expérience. Avoir une éthique, finalement, de ses regards et de son travail.
En effet, il ne suffit pas d’observer des expériences ou l’expérimentation des porteurs de projets. Cela va au-delà de cette démarche, il faut continuer à avoir un regard qui prend en compte ces valeurs, notre éthique. La Fondation est indépendante, elle doit donc observer ce qu’elle peut, faire des propositions, conclure que les citoyens s’engagent à tout âge, participer à des travaux d’études et de recherches, mais en gardant une éthique qui est la sienne.Il conviendra d’appliquer et mettre en scène ces valeurs au quotidien, ne pas juste être, par exemple, focus, sur une observation, mais avoir à l’esprit et en clarté les autres valeurs essentielles de la Fondation AUTONOMIA afin de les mettre en perspective au cœur de chaque action, et projet financé par la fondation.
Le 2ème enjeu, faire des propositions : à la puissance publique et développer ces propositions dans tous les endroits où elles sont susceptibles d’être un bénéfice pour les personnes. Et donc, sans doute laisser un champ plus libre aux acteurs afin de développer des réponses adéquates, dans une société aujourd’hui extrêmement complexe. Une complexité, qui appelle de fait à une réponse complexe.
La question pour moi, par exemple, serait de se demander si une grande loi sur l’autonomie serait véritablement utile et pertinente ? J’ai quelques réserves sur ce sujet. Pourquoi ? Car l’autonomie peut passer par l’habitat, par l’accès au numérique (le non-accès au numérique est une cause de non-autonomie), par les études et les recherches que l’on suit, par une réflexion un peu différente sur l’emploi, etc.
Une loi ne laisserait peut-être pas suffisamment de liberté aux acteurs de terrain, qui ont expérimenté, financés par la Fondation, et qui ont des éléments de réponses. D’autant que j’ai pu remarquer qu’un certain nombre de sujets traités par la Fondation AUTONOMIA sont laissés en creux par la puissance publique et n’ont de fait pas été vraiment traités.
Il y a donc toute une marge de progrès possible, thème par thème – l’habitat, l’emploi, l’accès au numérique… et non pas par publics.
Prenons l’exemple des personnes sous protection juridique des majeurs. La question de leur maintien à domicile se pose. Une problématique qui ne dépend pas tant de la mesure qui est la leur (tutelle, curatelle…).
Leur insertion va plutôt dépendre de la capacité que la société, que les personnes, les associations ou encore que les services publics auront pu mettre en avant, pour adapter le logement à la présence d’une personne qui a tel type de problème.
Donc une grande loi sur l’autonomie, qui ne va pas dans le détail des réponses concrètes, – c’est-à-dire agir et pas seulement réfléchir -, n’est pas selon moi la réponse adéquate, là où les logiques sont très différentes selon les territoires… Il faut respecter cette différence des territoires.
L’avancée majeure, ce serait de laisser plus de liberté aux acteurs de terrain, aux familles, aux entreprises, afin qu’elles mettent en place elles-mêmes les mesures d’autonomie qu’elles auront choisies, et qu’elles estimeront utiles. Une forme de décentralisation respectée par tous, et par les grandes institutions.
Un certain nombre de projets que la Fondation AUTONOMIA a soutenu fonctionnent déjà avec succès sur ce modèle, et ce, pour une raison assez simple, même pas si facile : ces changements reposent sur l’engagement des professionnels, des familles et des personnes. Et cet engagement, il est nécessaire de le soutenir, le faire fonctionner. À date, notre système qui passe plutôt par des décisions administratives, ne respecte pas ce principe. Aujourd’hui, ça ne suffit plus, en tout cas, ça n’est pas reconnu comme valide. L’autonomie suppose d’être autonome.
Il faut donc d’abord une reconnaissance, puis laisser les expérimentations se faire pour en tirer des actions, et pas seulement des réflexions, utiles évidemment, mais pas suffisantes. En partant de là, la puissance publique (qu’elle soit régionale, départementale, communale, nationale) vient en accompagnement.
Le 3ème enjeu pour la Fondation Autonomia reconnue d’utilité publique et Fondation Abritante, pouvoir soutenir des initiatives familiales, d’entreprises, avec les fondations qu’on appelle les Fondations Abritées.
C’est vraiment l’occasion, au moment d’avoir de nouvelles Fondations Abritées, de mobiliser des volontés privées, de faire de l’autonomie le cœur de leur raison d’être, et ainsi augmenter la solidarité, et le financement de projets qui servent l’autonomie et font ainsi évoluer les réponses proposées aux bénéficiaires.
L’autonomie des personnels passe par l’évolution, par une culture commune de l’autonomie des acteurs, qui en font un principe.L’enjeu central est donc d’œuvrer pour que cette autonomie devienne en effet un principe au sein des entreprises, des familles, des associations…
Je quitte la Fondation, parce que je m’étais fixé comme objectif de donner à la Fondation AUTONOMIA des statuts extrêmement solides qui résistent à tout séisme et à toutes bourrasques. Je crois que cet objectif est atteint… Il est donc temps pour moi de passer le flambeau !