La tribune

Santé mentale des jeunes : un enjeu au cœur des parcours de formation

Après l’activité physique en 2024, la santé mentale est devenue la grande cause nationale 2025. À la lumière de certains chiffres, ce coup de projecteur sur la santé mentale se comprend : 1 Français sur 5 est touché chaque année par des troubles psychiques ; avec 23 milliards annuels, c’est le 1ᵉʳ poste de dépense de l’Assurance maladie. Les jeunes (16-30 ans) ne sont pas épargnés.

Des éléments externes viennent influer sur leur santé mentale comme un contexte sociétal souvent anxiogène (guerre, écologie, une économie qui se fragilise, un manque de visibilité sur leurs projets de vie, des difficultés à se projeter dans une carrière…). L’évolution des codes sociaux, du rapport au travail et des valeurs personnelles qui s’affirment impactent la santé mentale. Les jeunes sont désormais 2 sur 5 (45 % des adolescents) à être touchés par des troubles anxieux*, avec 1 adolescent sur 4 qui souffrirait d’un trouble anxieux généralisé* et pas moins de 4 jeunes sur 10 qui présenteraient des troubles dépressifs plus ou moins sévères*.

Mais si ces chiffres peuvent alerter, des actions de prévention, des initiatives intéressantes, des événements de pair-aidance ou organisés par des acteurs de terrain (associations, organisations, professionnels, collectifs…) se multiplient sur le territoire français et participent à déstigmatiser, repérer, prévenir et mieux orienter ces jeunes (dont la santé mentale est impactée) vers des accompagnements ciblés, des solutions spécifiques, des typologies de soins. Facettes Festival est une de ces initiatives visant à la destigmatisation.

C’est un projet par et pour les jeunes soutenu par la Fondation AUTONOMIA. Sa prochaine édition aura lieu les 18 et 19 octobre prochains sur le thème de l’amour.

Alors que le mois de septembre vient juste de s’installer et avec lui les prémices d’une rentrée universitaire, la Fondation AUTONOMIA vous propose d’en savoir un peu plus sur cette question de santé publique et son impact sur le parcours formation des jeunes, au travers du regard de Samuel Galtié – directeur de la direction nationale de santé mentale au sein de VYV 3  et directeur des pôles santé mentale et médico-social pour MGEN, partenaires de la fondation.

La santé mentale, une priorité de santé publique, mais de quoi est-il question précisément ?

Selon Samuel Galtié, « il n’y a pas de santé sans santé mentale. La santé mentale, c’est comment je me sens au quotidien dans ma vie, ce qui amène, dans certaines situations, à rencontrer des difficultés importantes et même des troubles psychiques (même si la santé mentale est bien entendu un sujet plus large que celui des troubles psychiques) ».

Alors avant d’évoquer plus en détail la santé mentale des jeunes et en quoi l’accès aux soins peut aider dans le parcours de formation, rappelons rapidement sa définition selon l’OMS, qui souligne que bien plus que l’absence de troubles ou de handicaps mentaux, il est question ici ‘d’un état de bien-être mental permettant à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès de manière positive et de contribuer à la vie de la communauté’.

« On voit bien que cette définition est tournée sur l’insertion dans une société, y compris dans celle de l’activité professionnelle, puisqu’elle aborde le sujet du travail, et finalement, pour Santé publique France, on est ici sur 3 dimensions de la santé mentale : la santé mentale positive, la détresse psychologique réactionnelle et les troubles psychiques et maladies psychiatriques », précise Samuel Galtié afin de poser un cadre autour de cette définition.

Ainsi, la santé mentale tient ainsi une place centrale dans l’adaptation à la société, dans le développement du capital humain individuel… Le fonctionnement psychique, et la santé mentale reposent sur des compétences cognitives, un état d’humeur basique, des compétences relationnelles, des compétences psychosociales. Ces habiletés peuvent être dégradées par des facteurs externes, ce qui se traduit régulièrement par un sentiment de détresse, une baisse de la vitalité, des difficultés relationnelles avec éventuellement une perte du sens des activités habituelles comme le travail ou bien encore un désengagement.

La santé mentale des jeunes, une mise en lumière renforcée depuis la crise covid, et une éco anxiété qui ne s’essouffle pas.

Le sujet de la santé mentale des jeunes a été particulièrement médiatisé en sortie de crise covid, avec un développement des troubles liés à cette situation exceptionnelle de la crise sanitaire. L’évolution du contexte social avec l’état de la planète, la dégradation de l’économie, la situation de guerre dans plusieurs endroits du monde couplée à de nouveaux besoins d’échanges sur ces sujets mais aussi sur les sujets de la santé a un impact sur la santé mentale de la jeune génération et sur leur demande de prévention et de soins.

L’éco anxiété des jeunes (16/30 ans) est toujours prégnante et tend même à se renforcer.

Une étude du CESE**(Conseil économique, social et environnemental) qui sortira en octobre 2025 ambitionne de pointer les conséquences de la dégradation de la santé mentale des jeunes sur la vitalité sociale et économique du pays. Forte inquiétude à propos de divers sujets, agitation, incapacité à ne pas s’inquiéter, difficultés à se détendre, irritabilité, nervosité… Le baromètre IPSOS de mars 2025 souligne que les indicateurs cliniques de mesure de l’anxiété des jeunes dépassent tous ceux de 2021, lors de la création de ce baromètre.

Quelques chiffres significatifs

· 25 % des jeunes adultes décrivent des signes de dépression.
· Près de la moitié des membres de la génération Z (nés entre 1995 et 2010) et 4 millénial (nés entre 1980 et 1994) sur 10 se déclarent stressés la plupart du temps, ou en permanence.
· Une forte attente vis-à-vis du monde de l’entreprise sur sa responsabilité sociétale, mais aussi comme lieu d’information sur les bons comportements concernant la planète est attendue.
Côté adolescents :
· Augmentation des signes d’anxiété (irritabilité à 66 %, nervosité ou anxiété 63 %, inquiétude à 51 %).
· 45 % sont anxieux (dont 25 % anxiété généralisée).
· 40 % ont des signes de dépression.
« La volonté d’avoir des enfants reste autour de 15 % mais les motifs de ne pas vouloir d’enfants évoluent : c’est l’item : « le monde va trop mal » qui est largement majoritaire pour expliquer le refus d’avoir des enfants », ajoute Samuel Galtié.

L’accès aux soins et l’accompagnement, des leviers pour la poursuite des études, des formations ?

« Tout va dépendre du trouble dont il est question. Si le trouble gêne le jeune au quotidien : difficulté à s’intégrer dans le groupe, troubles anxieux liés à la question de la réussite, complexité à sortir de chez soi…

Forcément à un moment donné cela va poser des difficultés dans la poursuite même de ses études. Si la relation avec l’autre est un sujet complexe, si le sens même de se projeter dans l’avenir pose un problème, cela peut aussi être un frein dans l’apprentissage.

Les jeunes sont actuellement très attachés à des valeurs, ont beaucoup de questionnements qui peuvent aussi empêcher l’activité quotidienne. Les réponses appropriées peuvent être : comment on agit potentiellement sur l’environnement propre de la personne, ou comment on permet la mobilisation plus globale ? Comment on agit sur les troubles qui empêchent une vie quotidienne ? Sans faire en sorte qu’il y ait une injonction au bonheur, car le sujet n’est pas là.

Cependant, pouvoir fonctionner au quotidien avec différents types de ressources, c’est le propos. » nous partage Samuel Galtié.

Avec la Grande Cause 2025, un renforcement de la libération de la parole est constaté, particulièrement chez les jeunes. Elle s’accompagne d’une envie de mobilisation de la société civile, y compris des différents lieux d’enseignement, qui recherchent des solutions. Même si ce n’est pas simple, c’est déjà une démarche proactive. Ainsi les formations PSSM continuent de se développer dans un certain nombre d’universités.

« On constate un enjeu très fort sur l’accès des jeunes à l’emploi. Retrouver des codes, penser l’engagement de façon différente avec aussi des chocs générationnels en lien avec le travail. Aujourd’hui, on ne rentre pas dans l’emploi comme on pouvait y rentrer encore, assez récemment. »

Selon les troubles, on peut suivre des études sans parcours de soins ?

On peut vivre avec un trouble de santé mentale. La question de la stigmatisation peut être un frein à l’accès aux soins, mais les nombreux témoignages de personnes connues ou anonymes montrent qu’il est possible de vivre et de travailler avec un trouble mental, c’est une incitation à demander de l’aide.

La représentation de la maladie mentale reste souvent qu’il n’y a pas d’alternative, dès lors qu’on a un trouble, qu’une hospitalisation longue. Or plus tôt les difficultés sont détectées, plus tôt elles sont traitées, plus facile est le rétablissement et le retour à sa vie habituelle. Il est conseillé de s’adresser à des professionnels, à des associations de pairs dès les premières manifestations de malaise psychique.
Détecter en amont, une nécessité ?

Le sujet de la santé mentale est donc bien pluriel, on peut intervenir assez tôt, on peut aussi accepter de vivre un certain nombre de troubles pour aller vers un rétablissement lorsque des troubles plus importants apparaissent. Mais plus on détecte en amont, plus on anticipe, moins on gère l’urgence et la complexité de l’accès aux soins quand les situations s’intensifient.

Plusieurs personnes peuvent être impliquées dans la santé mentale. Ce sont d’abord les professionnels de la santé mentale à qui on pense en premier, mais les collègues de travail, le manager, le médecin du travail, les enseignants ont une place importante dans la détection et le soutien pour accompagner la personne vers une prise en charge. La famille et l’entourage amical jouent aussi un rôle de soutien et d’accompagnement.

Le fait de sensibiliser sur les questions de santé mentale à l’université, qui est un chantier sur lequel les universités s’engagent progressivement, est un élément important de la prévention. Les universités forment en effet leurs professionnels, mais aussi des étudiants. Les premiers secours en santé mentale pour les jeunes proposent ainsi des dispositifs assez importants qui se déploient de plus en plus dans un certain nombre d’universités.
D’autres solutions de détection, de sensibilisation et d’orientation
vers l’accès aux soins ?

Des initiatives citoyennes viennent compléter et renforcer l’accès à la prévention et aux soins

Par exemple :

Le Facettes Festival (J-30) organisé par l’association Facettes, qui a une approche très spécifique de pair-aidance qui monte en puissance sur cette génération « par les jeunes et pour les jeunes ». Cet événement annuel de mobilisation de personnes concernées ou de personnes qui découvrent le sujet de la santé mentale durant le festival est véritablement une manifestation qui œuvre à déstigmatiser, informer, sensibiliser, rencontrer, conseiller. Le credo du festival tient en 3 intentions : « Permettre à chaque jeune de vivre sa santé mentale de manière unique, partager des outils pour prendre soin de sa santé mentale, créer de nouveaux récits, positifs et inspirants sur la santé mentale ».

La Maison Perchée, structure d’accueil construite par des jeunes qui vivent avec un trouble psychique, et qui est également un moyen de mobilisation de la pair-aidance.
« C’est un très beau lieu et outil. C’est une mobilisation assez extraordinaire, à la fois en présentiel et en distanciel. Les locaux de cette belle structure associative sont à Paris. » – Samuel Galtier.

– Les lignes d’écoute Nightline France, une association qui ambitionne d’améliorer la santé mentale des étudiants et des jeunes à l’échelle individuelle et collective. Les jeunes de l’association accompagnent (en ligne) les étudiants qui appellent, par l’écoute et la réorientation vers de l’information sur les sujets de santé mentale.
Leur objectif n’est pas de détecter, mais d’identifier et peut-être d’orienter vers des solutions et des accompagnements qui existent.

D’autres associations et acteurs de terrain œuvrent également à la sensibilisation et l’accompagnement des personnes qui vivent avec un trouble liée à la santé mentale (c’est le cas de l’association Bipolarité France également soutenue par la Fondation AUTONOMIA).

C’est un ensemble d’initiatives, d’actions terrains, d’innovations, de solutions qui participent finalement à peut-être mieux détecter, sensibiliser, déstigmatiser, puis à orienter les jeunes vers des parcours de soins spécifiques, qui peuvent aider dans la poursuite du parcours de formation et éviter la sortie universitaire.

Zoom sur des offres généralistes et spécifiques de VYV 3 d’accès aux soins (à conserver ?)
– Un hôpital de jour spécifique à Bordeaux « DispoPsy ».
qui propose une action plurielle de prise en charge des jeunes
– Pass’Mirail, un dispositif d’accueil et d’écoute sur des jeunes permettant ensuite de réorienter.
– Un hôpital de jour spécifique. Avec une entrée directe en soins et des consultations à l’université.
– Le CAPJAH, un hôpital de jour qui accueille des jeunes qui n’ont pas de troubles trop envahissants, pour pouvoir agir de façon préventive sur l’apparition de troubles.
– L’Espace Santé Jeunes à Lyon, qui propose des consultations spécifiques aux étudiants mais aussi à tous les jeunes.

Sources

Études publiées ou à paraître.
*baromètre IPSOS mars 2025 généraliste sur le moral des jeunes et plus particulièrement des scolaires
**Étude CESE sur la santé mentale des jeunes qui sortira en octobre
Enquête de Deloitte en 2023 sur la GenZ et le travail avec un crochet sur la santé mentale
L’institut Montaigne vient de faire une enquête sur la santé mentale des jeunes, mise en ligne le 3 septembre (un quart des 15/29 ans décrivent des signes de dépression).
communiqué de presse de ce jour de la FNMF sur leur étude sur la santé mentale des jeunes
– Initiatives intéressantes.
Nightline France : pour une meilleure santé mentale des jeunes
Premiers secours en santé mentale France – Page d’accueil

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